SOUS LES PAVÉS, LA PLAGE HORAIRE
Il y a, bien sûr, la voie royale, celle des chemins pavés par la reconnaissance que constituent un prix, une mise en nomination ou simplement une sélection dans un festival prestigieux.
Titres pour les voyageurs de première : Stryker, Sélection Venise 2004, suit dans un glauque Winnipeg, les pas d'une jeune recrue (stryker) du groupe Indian Posse, qui mettra le feu aux poudres et se retrouvera au milieu d'une guerre de gangs.
Sélectionné à Yamagata, les « Olympiques du documentaire », en 2003, Basal Banar nous introduit shamaniquement aux rituels sacrés de la nation Palaw'an des Philippines.
Nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage étranger en 2005, en primeur montréalaise, Two Cars One Night nous vient de Nouvelle-Zélande. Et d'Australie Dhakiyaar vs the King qui, en abordant le thème de la nécessaire réconciliation, s'est mérité le prix Ruben Mamoulian au Sydney Film Festival tout en étant nominé pour le titre du meilleur documentaire de l'année 2004 dans son pays.
Et on reparlera plus loin de ceux qui ont fait Hot Docs (Reservation, The Tunguska Project) et du prix Yolande et Pierre Perrault (One More River) (1) du meilleur espoir documentaire québécois.
Prière de noter que la tenue de gala n'est pas obligatoire lors des projections.
DU CÔTÉ DE CHEZ SOI
Pour les gens qui cherchent une balade de proximité et voudraient découvrir les nations du Québec, rendez-vous à Présence autochtone 2005. Au point de départ, des productions de ce coin-ci du monde autochtone, lancements et premières; les artisans du film et de la télévision y seront pour présenter leurs derniers-nés. Randonnée dans le voisinage immédiat :
Chez les Atikamekw de Wemotaci : Awin Ni Nin est un clip qui mobilise toutes les voix de la communauté en plein choeur du monde amérindien. Ce document fait partie des vidéos issues du Wapikoni mobile, unité de production itinérante qui permet à des jeunes de communautés éloignées d'accomplir leurs propres réalisations.
A Kahnawake : Mohawk Girls suit la sortie d'adolescence de quatre étudiantes qui ont l'enfance dans le rétroviseur et l'avenir grand devant elles. Une production de Rezolution Pictures, une compagnie crie, qui s'impose de plus en plus comme un producteur majeur chez les Premières Nations du Québec, tant par le nombre que par la qualité de ses produits.
En pays innu et mohawk : dans le cadre de Tshinanu, une série produite par la maison ECP, partenaire de longue date du festival, Vieillir de Joséphine Bacon et Se surpasser de Jason Brennan portent respectivement sur le troisième âge à Uashat et sur un jeune espoir olympique de Mashteuiatsh. Intégré à la série, Décider de Magnus Isacsson, nous fait vivre, de l'intérieur de la communauté, le débat entourant le référendum sur l'opportunité d'ériger un casino à Kahnawake.
Un voyage dans le temps : les mêmes producteurs nous proposent Le Rouge et le Noir... au service du Blanc (Esclavage en Nouvelle-France) de Marquise Lepage, le film de clôture, un voyage dans le temps pour revisiter le Canada de l'époque française dans un de ses aspects méconnus : l'esclavage. Au pays des légendes : Mikuan et Tshako, de la maison K8e K8e, est une nouvelle série pour enfants tournée simultanément en innu et en français. Avec Marco Bacon, dont les nombreuses admiratrices attendent impatiemment le retour à l'écran.
ATTACHEZ VOS CEINTURES !
Mais ceux qui cherchent plutôt des aventures inédites dans des pistes nouvelles où le paysage bascule, il y a de l'inédit et de l'étonnant qui vous attendent sur des chemins peu fréquentés. Ci-devant, circuits hors piste.
Revisitez Monument Valley et canyons environnants dans le long-métrage de fiction Fifth World, en compagnie de jeunes Navajos qui connaissent tous les versants imaginaires du décor mythique où leur errance nous entraîne. Défrisant.
Laissez-vous entraîner dans un périple sibérien en compagnie de l'auteur et artiste multidisciplinaire Floyd Favel. Plus précisément chez les Evenki dont le territoire a été en 1908 le théâtre d'une étrange explosion d'une force phénoménale dont l'onde sismique a été ressentie sur toute la planète. Côté documentaire, dans The Tunguska Project, angoisse créatrice, inconfort du voyage, étoile mystérieuse, récits mythiques et shamaniques. Déroutant.
Embarquez derrière Dana Claxton dans une réitération obsessive des éléments signifiants d'un périmètre déterminé Gun Play et The Hill ou suivez, dans un registre plus apaisé, Diane Kitchen dans le sylvestre Quick's Thicket. Trajectoires postmodernes.
Plongez avec Shirley Cheecho. Dans les Andes pour réaliser un documentaire sur la médecine traditionnelle qui fait usage de plantes hallucinogènes, plutôt que de filmer de l'extérieur, la réalisatrice se propose comme sujet d'expérience. Son carnet de voyage devient Shadow in Deep Water. Remuant.
Partez en voyage de rêve à l'intérieur d'un cinéma suranné : un grand mélo tourné dans le hinterland australien mettait en vedette une jeune et jolie Aborigène, l'actrice se souvient dans Rosalie's Journey.
SÉJOUR DANS LA FAMILLE : POUR UNE CONNAISSANCE APPROFONDIE
La mère patrie de l'Amérindien, c'est à la fois le territoire ancestral et la communauté actuelle et familière. L'articulation de ces deux entités donne une perception du monde que, de l'extérieur, on a souvent beaucoup de mal à saisir. Méconnaissance qui deviendra bientôt ringarde puisque le cinéma documentaire commence enfin à capter cette réalité de l'intérieur.
Dans cette optique, Reservation de David Cherniak serait sans doute le film à voir dans tout ce festival. Un an de tournage donne un aperçu complet de la vie de 14 personnes dans la communauté Shuswap d'Alkali Lake en Colombie Britannique. La grandeur des humbles dans un documentaire ambitieux qui rencontre pleinement ses objectifs. Du grand art.
De la même eau, One More River documente, sur une année entière, le débat qui secoue la nation crie alors que Ted Moses cherche à faire accepter par les siens le traité dit de la Paix des braves qui ouvre la porte à de nouveaux projets hydroélectriques sur le territoire.
La réunion de la famille Kunuk amène le spectateur sur l'île de Baffin dans un lieu dit Siorajuk, au centre du territoire ancestral. Enuki and Vivi, les parents de Zacharias, évoquent les temps anciens tandis que Mary et Jenny convolent en juste noce. Lauréats de Cannes (Atanarjuat) et de Montréal (Shaman Stories), Zac Kunuk et Norman Cohn nous introduisent ici dans l'univers intime de l'Inuit. Le très beau Natchiliagniaqtuguk Aapagalu, pour sa part, nous entraîne sur la banquise en Alaska où nous accompagnons père et fils dans une chasse au phoque.
LE SENTIER INITIATIQUE
Fabriquer un javelot (Crook Hat and Camphoo), un canot d'écorce (Good Enough for Two, avec William Commanda) ou une yourte (Mujaan), c'est déjà se mettre en accord avec le rythme profond de l'univers; une leçon que les ainés innus ont inlassablement redite devant la caméra d'Arthur Lamothe (Mémoire antérieure: Le piège à martre, Réflexions d'un vieil Innu). Ce premier éveil n'est cependant encore qu'une antichambre des vérités essentielles.
Les entités spirituelles qui sont l'ossature du visible, les esprits qui donnent vie au monde animal, l'âme des morts et des vivants, se meuvent dans un monde parallèle où seul le shaman a droit de cité. Basal Banar, Nguné Elü: (The Day When the Moon Menstruated), Diet of Souls, sont toutes des oeuvres qui franchissent le seuil. Pour les explorateurs téméraires seulement.
UN TOUR EN BIOSPHÈRE MENACÉE
L'environnement constitue un sujet de prédilection pour les cinéastes oeuvrant auprès des nations autochtones d'Amérique et d'ailleurs. Tournée des zones sensibles.
Des vérités cachées sur la contamination des nappes d'eau dans la région de Chibougamau sont mises à jour et Heavy Metal brise le complot du silence. Trespass nous montre comment sous la conduite d'une femme, Yvonne Maraguta, l'aînée du groupe, une communauté aborigène de 30 personnes a réussi à stopper un géant de l'uranium et à faire classer le territoire ancestral au patrimoine de l'humanité. Les spectateurs souhaiteront une telle victoire aux Cheyennes du Montana, aux Gwich'in d'Alaska, aux Navajos du Nouveau-Mexique et aux Penobscott du Maine dont les luttes environnementales nous sont présentées dans Homeland, un polyptique écolophile.
LE PARCOURS DU COMBATTANT
Vouloir conserver son identité conduit souvent à affronter les forces de l'ordre. Comme le démontrent Estos dolores somos (avec les mots du Commandant Marcos), Ipperwash: A Canadian Tragedy (sur la mort de Dudley George), A Shot in the Dark (encore Ipperwash), Two Worlds Colliding (sur la violence policière à Saskatoon). A Tattoo on my Heart, de son côté, rend hommage aux militants qui ont occupé Wounded Knee en 1973.
Le front domestique n'aura pas empêché de nombreux Autochtones de participer aux interventions militaires du Canada et des États-Unis outremer. Forgotten Warriors de Loretta Todd (présenté le 21 juin pour souligner l'année de l'ancien combattant) et True Whispers: The Story of the Navajo Code Talkers de Valerie Red Horse (sur le code secret le plus performant de l'histoire) rappellent le rôle qu'ont joué les soldats issus des Premières Nations dans la Seconde Guerre Mondiale.
AUTRES ITINÉRAIRES
Chaque séance constitue une unité et propose son invitation au voyage. Ainsi en va-t-il des programmes de courts :
LES COPAINS D'ABORD (lundi, 13 juin, à 18 h 30), carte blanche aux amis du festival Off-Courts de Trouville (Normandie). À l'affiche : Calicot de Sarah Gurevick, Le Manian de Frederick Jolffre, Einspruch III de Rolando Cola, To build a fire de Luca Armenia, Soyons attentifs de Thieery Seban, We are winning don't forget de Jean-Gabriel Periot et Trouville Mirage de Kinollectif.
AU PAYS DES LÉGENDES (samedi, 18 juin, à 16 h 30) : avec notamment les délicieuses Cherookee Animated Stories, Muskogee Creek Animated Stories et Raven Tales.
LES TERRAINS VAGUES DE L'ANONYMAT (vendredi, 17 juin, à 20 h 30) : avec Supervintage, Papeles secundarios, Goodnight Irene, 49? (de Sherman Alexie).
DANS LE JARDIN DES PLANTES SACRÉES ET MÉDICINALES (dimanche, 19 juin, à 18h30): avec Medicine Walker, Shadow in Deep Water et Coca and the Congressmen.
ENFANCE ET ADOLESCENCE EN ZONE PERTURBÉE (samedi, 18 juin, à 20h30) : avec Khayden's Campaign (sur Khayden Otter, l'enfant cri de 3 ans, mutilé par son beau-père), L'espoir de Danny Koo (sur une grossesse adolescente en pays Atikamekw) et La Lettre (Damien se souvient de sa blonde qui s'est suicidée).
LA VOIE CONTEMPLATIVE (mercredi, 22 juin, à 18h30) : avec Roots of the Sky, Mujaan et The Hill.
Mais le meilleur parcours n'est-il pas encore celui du festivalier qui va au hasard et se laisse surprendre au détour? Sur le chemin de Présence autochtone 2005, chacun est libre de ses mouvements et va au bon plaisir de la découverte. Bonne route !
Procurez vous l'horaire complet des projections au cinéma ONF à la Cinémathèque québécoise ou encore consultez l'horaire sur ce site.
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(1) Du 1er au 7 juillet 2005, 15h00 et 21h00, au programme de l'Ex-Centris, 3536 boul. St-Laurent: www.ex-centris.com
One More River
de Tracey Deer et Neil Diamond
REZOLUTION PICTURES
Québec-Canada 2004, 91 minutes
présenté en anglais avec sous-titres français
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