Remise de prix

Palmarès 2014 

Prix Teueikan – Création

Grand prix : THE HEALING WINDS de Joel Montanez

À ce point précis, à partir duquel le véritable artiste est capable de dénoncer le réel comme une fiction à laquelle on croit trop innocemment, Joël Montañez a campé sa caméra et a dirigé son objectif vers un village nordique et des visages inuits, dont celui sublime de douleur de Reepah Arreak, la comédienne principale de son film. La pauvreté des moyens dont le cinéaste disposait, loin de l’avoir confiné à l’indigence, semble au contraire lui avoir ouvert les portes de l’inventivité, laissant entrer dans son œuvre le souffle des vents polaires qui lui ont donné son titre.

Pour cette liberté d’expression qui abolit les frontières entre les genres, tout en servant de révélateur aux empreintes historiques imperceptibles qui ont façonné le présent; pour cette facture fictionnelle qui fait surgir tel un geyser, après fissuration des imaginaires qui nous la voilent, le fond de la réalité des choses; pour cette originalité souveraine dans la forme qui, avec rigueur et sensibilité, rend visibles au-delà de l’image les traumas intergénérationnels qui affectent la vie des communautés inuites,

2e prix :  TUNTEYH O EL RUMOR DE LAS PIEDRAS de Marina Rubino

Loin des prétentions cinématographiques qui veulent lourdement lester les images de tout le poids du réel, voici un documentaire qui épouse le rythme patient de la parole guaranie et qui se laisse pénétrer par la fluidité spirituelle du monde tel que perçu par les Amérindiens.

Pour la relation osmotique qu’il établit avec une réalité indigène, trop complexe pour être saisie par un œil extérieur ; pour le rendu filmique du temps vécu au jour le jour dans une communauté guaranie, suspendue entre sagesse millénaire et adaptation au présent ; pour son approche cinématographique tout en déférence devant le mystère de la vie, à la fois posture éthique et hommage rendu à la pensée amérindienne.

Prix Rigoberta Menchu – Communautés

Premier prix : LE CHANT DE LA FLEUR de Jacques Dochamps, José Gualinga

La narration n’est pas le fait, comme on le croit un instant au début du film, d’une voix anonyme et lointaine. C’est, à la première personne du singulier, dit par la femme du chef du village sarayacu, le compte rendu d’un combat collectif pour l’intégrité du territoire dont dépend la survie d’une Première Nation d’Amazonie, ainsi que la chronique d’une victoire populaire contre une multinationale du pétrole.

Pour une œuvre qui nous rappelle que la distinction Nord-Sud est caduque quand les menaces sont planétaires; que, au 21e siècle, l’humanité n’est plus fractionnable par la géographie et la culture mais seulement par le positionnement de chacun, révolte ou soumission, face aux appareils économiques destructeurs d’environnements naturels et de sociétés humaines;

Pour une démonstration convaincante, preuves à l’appui, que les mots solidarité et espoir ont encore un sens et qu’une communauté autochtone décidée peut parvenir à faire reculer les multinationales les plus voraces dans leur ogresse appétit de destruction.

2e prix : CRAZYWATER (EAU DE FEU) de Dennis Allen

L’alcool, puissant analgésique, mène à l’oubli. Il crée des solidarités entre buveurs, micro-communautés de consommateurs solidaires dans la joie de la fête éthylique comme dans la détresse des petits matins. Il détruit des vies comme il permet, momentanément, de supporter l’existence. Il réjouit et il tue; son feu réchauffe, embrase, brûle, incendie.

Pour un homme, surmonter l’alcoolisme c’est plus que changer de vie : c’est vouloir changer LA vie.

Le documentaire de Dennis Allen nous rappelle que, si l’alcool fait désormais partie de l’histoire amérindienne, jamais pour le meilleur et presque toujours pour le pire, vaincre cet ennemi intime est une démarche à proprement parler révolutionnaire.

Direction Photo

Prix: HE WHO DREAMS de Dana Claxton

Pour le convaincant rendu visuel d’une expérience onirique; pour le léché, doucement parodique, qui donne à l’image sa plasticité typiquement « claxtonienne »; pour une créativité visuelle qui n’a pas peur de décoller des conventions qui encombrent l’imagerie associée aux Amérindiens.

Animation

Prix: The Orphan and the Polar Bear, de Neil Christopher

Pour la justesse de la transposition cinématographique d’un conte issu de l’imaginaire inuit; pour la qualité de l’animation qui rend pleinement le caractère dramatique d’un récit qui appartient au riche patrimoine de légendes nordiques

Prix Séquences pour le meilleur documentaire

Prix : SANANSAATTAJA, de Donagh Coleman, Lharitgso

Une image du Tibet qu’on voit rarement ou pour ainsi dire jamais, une œuvre littéraire transmise par vision chamanique, un berger analphabète qui est un grand lettré de sa propre culture et qui porte, de ce point de vue particulier, un regard original sur le monde contemporain : portrait d’un barde tibétain, porteur de la saga du roi Gesar, colossale épopée tibétaine.

Prix APTN

RHYMES FOR YOUNG GHOULS  de Jeff Barnaby

On ne met pas des gants blancs pour raconter une histoire sombre. Qu’a-t-on à foutre du ciné-œil quand nous avons besoin d’un cinéma coup-de-poing? disait Eisenstein à Vertov. Enfilant des gants de boxe, un jeune cinéaste mi’gmaq en colère nous en met plein la vue. Empruntant à la trame narrative hollywoodienne et au cinéma de genre, il veut rendre d’un seul coup le concentré de violence et de frustration que des décennies de colonialisme, de répression et de marginalisation ont laissé en héritage aux Premières Nations.

En résulte une œuvre touffue, paroxystique et incantatoire dont la force d’impact a secoué le public et la critique lors de sa sortie à l’automne 2013.

Jeune espoir / Mainfilm

SAYACHAPIS, de Mar Y Sol

L’expérience concentrationnaire des écoles résidentielles a laissé de grands précipices dans l’âme de ceux qui en ont été victimes. Les démons qui sortent de là continuent à harceler les survivants. Pour les vaincre, il faut parfois toute une vie. Et beaucoup de courage. C’est ce que démontre sans effet superfétatoire, avec les moyens dépouillés mais combien efficaces du cinéma direct.

Court-métrage

Prix : SAYACHAPIS de Mar Y Sol

Coup de Cœur  de la Fabrique culturelle Télé-Québec

La tête haute de Christopher Grégoire.

La vie est combat. Non pas contre les autres mais d’abord contre ses propres faiblesses. Un tout jeune cinéaste fait preuve d’une étonnante maturité tant dans sa vie que dans son court métrage.