Roulant à vélo (See This Spirit Bike), dansant sur les airs entraînants du violon métis (Hands to the Sky) ou planant sur les effluves enchantés du rêve (Four Faces of the Moon; Johogoi Aiyy), l’âme autochtone cherche impétueusement un ancrage dans ce temps présent qui l’appelle comme un SOS. Car la Terre s’appauvrit à rythme fou avec la déforestation (Frères des arbres, l’appel d’un chef papou) qui s’opère aux dépens des peuples (A Time To Swim) alors que la loi du profit pour le plus petit nombre est devenue règle universelle.
Sentant l’esprit qui vient, certains frappent à la porte de chamanes qui leur offrent autre chose que la chimérique panacée désespérément demandée (Icaros: A Vision). Et issue des rencontres, l’étincelle de l’amitié se prolonge dans l’air comme une lueur qui ne s’éteint jamais (Kuun metsän Kaisa; GuarInnu)
Ailleurs l’esprit vient frôler le réel, dans des espaces encore préservés des élans destructeurs de la machine folle, quand un regard s’attache à la beauté du territoire (Eshe Menuateman), à des poissons qui dansent (El Camino es Largo), à des fleurs qui poussent (Ma connexion), à la magie des saisons (Inuk Hunter). Alors une voix s’élève pour chanter le lien sacré immémorial unissant l’humain à l’univers (Mikwetc), alors que des arts anciens reprennent vie dans des habits neufs (Journeys to Adāka; Pūtahi Kotahitanga).
Voix et regards, parfois encore timides dans leurs premiers pas, s’amplifient, prennent force comme vent se lève, embrassant des formes ambitieuses : longs métrages de fiction contemporaine (The Land of Rock and Gold; Redfern Now: Promise Me), fresque historique (Martírio), remake décalé d’un classique hollywoodien (Maliglutit) ou regard rétrospectif sur l’histoire de l’art moderne (Casualties of Modernity).
Un mouvement de plus en plus reconnu de par le monde : section spéciale « Cinéma autochtone » à la Berlinale, Zacharias Kunuk nommé à l’Academy, prix du documentaire décroché à Sundance par une maison montréalaise (Rezolution Pictures pour Rumble: The Indians Who Rocked the World), bourse cannoise pour la réalisatrice anishinabe Caroline Monnet, qui présente cette année à la fois un court (Creatura Dada, nominé prix APTN) et une création audiovisuelle pariétale sur la place du Makusham (alias place des Festivals). Et déjà 10 ans depuis l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qu’on célèbre avec Courts critiques 11e édition.
Et, bien sûr, encore des combats dont on témoigne (attendu à Montréal, Jose Luis Mattias, le réalisateur nahua de El Mineral o la Vida) et des inquiétudes que ressent une jeunesse encore incertaine face au futur (Lumières sur l’eau). Mais sous les humbles gestes du quotidien, on sent que les choses bougent (Indian Time). La souveraineté des premiers peuples s’inscrit dans des pratiques neuves (Tribal Justice). Des secousses sismiques commencent à se faire sentir et, dans un film prophétique encore inachevé (Hochelaga, Terres des Âmes), la réconciliation avec le passé devient tremplin vers un futur meilleur (le réalisateur François Girard viendra nous parler de sa rencontre, en cours de tournage, avec le monde amérindien), un futur fait de reconnaissance de toutes nos diversités (Respecter la roue; Two Soft Things, Two Hard Things).
Un ado résume à lui seul toutes ces contradictions : en trouvant sa voie, il ouvre grand le chemin lumineux de l’espoir (Zach’s Ceremony), route dont les artistes ont été et demeurent les guides les plus sûrs (Creatura Dada; I’ll Remember You As You Were, Not As What You’ll Become).
Présence autochtone 2017 : les mouches à feu illuminent le chemin devant nous.