TIOHTIÀ:KE : PORTRAITS IN THE CITY
Sainte-Catherine St | August 9 to August 14 2023
TIOHTIÀ:KE PORTRAITS DANS LA VILLE
Martin Akwiranoronh Loft s’aventure quotidiennement dans la l’île urbaine qu’est Tiöhtià:ke. Il piste et capte avec sa caméra le mouvement de passants, chaque fois en osmose avec l’architecture des bâtiments et des rues. Ce faisant, il enfile des images fascinantes. L’an dernier il avait affiché dans certains lieux des grands portraits de personnages Kanienke’a: kas. Des Ainé.es et des jeunes aux regards fiers. Il récidive à nouveau, pour l’édition de l’été 2023 du Festival Présence Autochtone, mais avec deux ajouts riches de significations collectives et artistiques. Voici donc, au cœur du quartier des spectacles frôlant un musée d’art contemporain fermé, une embuscade photographique de grands portraits à laquelle s’ajoute son autoportrait et certains de complices iroquoiens.
TIOHTIÀ:KE PORTRAITS IN THE CITY
Martin Akwiranoronh Loft ventures daily into the urban island that is Tiöhtià:ke. With his camera, he tracks and captures the movement of passersby, each time in osmosis with the architecture of the buildings and streets. In the process, he weaves fascinating images together. Last year, he displayed large portraits of Kanienke’a:kas characters in a number of locations. Elders and youngsters filled with pride. He’s at it again for the 2023 summer edition of the International First Peoples’ Festival, with two rich additions full of collective and artistic significance. In the heart of the Quartier des spectacles, next to a closed contemporary art museum is his photographic collection of large portraits, including a self-portrait and pictures of his Iroquoian accomplices.
Là où nous sommes
On le sait, plusieurs déclinaisons de slogans, comme « territoire non-cédé » ou « retour souverain » des lieux, s’interrogent sur l’appartenance identitaire historique et la cohabitation du lieu insulaire, et par extension du Kébeq (Québec) en Kanata (Canada), des États-Unisi et même des trois Amériquesii. En insérant dans le groupe des portraits de Wendats comme le mien, fait dans une tente montée ici même à la Place des spectacles l’an dernier, Loft rend visuel le protocole de bonne entente réciproque entre nos nations iroquoiennes depuis la Grande Paix de 1701 et la Confédération des « sept feux » du Saint-Laurent au XVIII’ siècle. Il est bon de rappeler que l’appellation de l’île, Tiöhtià:ke, qui signifie « là où l’on franchit les rapides », a des anciennes origines communes dans les deux langues, mohawk et wendat. De fait, les échanges et usages formant autant la grande Confédération des Haudenosaunes et celle des Wendat nous unissent par la structure linguistique, les récits fondateurs, des Maisons longues cérémonielles, les lois géopolitiques symbolisées par l’arbre de la Paix et des usages agri-nourriciers des « trois sœurs » (le maïs, la courge et le haricot), l’exposition extérieure s’en fait le reflet géopolitique. Qui plus est, dans un récent égoportrait noir et blanc (« selfie ») Martin Akwiranoron Loft apparait. Un antique appareil photo, dont on sait qu’il exige un temps long d’exposition, l’accompagne. Toutefois, via les possibilités des logiciels de traitement numérique, l’artiste a ajouté une colombe de paix qui tient une branche verte. Cet ajout transforme la portée personnelle et locale de l’autoportrait vers une envergure « glocale » – penser globalement la mondialisation en intervenant localement –, ici en se solidarisant avec les Ukrainiens agressés par le pouvoir autocratique russe. Dès lors aux questions géopolitiques s’ajoutent celles d’histoire autochtone de l’art photographique.
Where We Are
As we know, many slogans such as “unceded territory” or “sovereign return”, question the cohabitation on the land and the historical identity of the island, and by extension of Kébeq (Quebec) in Kanata (Canada), the United States and even the three Americas. By including portraits of Wendats like me, taken in a tent erected at the Place des spectacles last year, Loft translates into a visual expression the protocol of mutual understanding between our Iroquoian nations since the Great Peace of 1701 and the Confederation of the “seven fires” of the St. Lawrence in the 18th century. It’s worth remembering that the island’s name, Tiöhtià:ke, meaning “where one crosses the rapids”, has ancient origins in both Mohawk and Wendat languages. In fact, trades and customs forming both the great Haudenosaunee and Wendat Confederations unite us through linguistic structure, founding myths, ceremonial longhouses, geopolitical laws embodied by the Tree of Peace and the agri-feeding uses of the “three sisters” (corn, squash and beans). And the outdoor exhibition reflects these geopolitics. A recent black-and-white selfie shows Martin Akwiranoron Loft with an antique camera, which we know requires long exposures. Through the magic of digital processing software, the artist has added a dove of peace holding a green branch. This addition turns this personal and local selfie into a “glocal” one that allows local interventions to reflect the global scale, in this case, solidarity with Ukraine, under attack from the autocratic power of Russia. In addition to geopolitical issues, we find those related to the Indigenous history of photography.
Là sont nos rêves
L’importance des rêves comme source de nos imaginaires s’incarne dans l’apport moderne d’artistes dont l’évolution nourrit l’actuelle production du photographe. Débarquées en Amérique du Nord à la fin du XIX’ siècle, les techniques de la photographie et du cinéma naissant s’ajoutent aux peintres, et participent comme témoignages visuels imageant les avancées de colonisation (armées, trains, peuplements, anthropologie et patrimoine folklorique des futurs musées). Faire entrer les « Sauvages » dans les portraits, cartes postales ou courts métrages participe grandement à consolider un destin de « nature morte » pour nos civilisations de Premiers peuples. Aux visées de génocide culturel s’opposera la résilience, puis la résistance et l’affirmation actuelle.
C’est pourquoi des compositions comme Still Life où Martin Akwiranoron Loft « animent » les objets par leurs significations culturelles iroquoiennes, initient des clefs autochtones de compréhension. Il en va de même des portraits dans cette exposition.
Non seulement poursuivent-ils la tendance d’affirmation critique de l’art autochtone depuis Zacharie Tehariolin Vincent, mais encore ils donnent à voir sa passion pour la photographie argentique et les estampes combinés aux usages des technologies numériques. Loft infiltre la Cité de ses grands encadrements et projections lumineuses, de fiers personnages importants dans leur famille et communautés.
À mes yeux, ces présences iroquoiennes ne peuvent que rendre davantage poreuses les frontières qui marquent les distances culturelles, rejoignant mon postulat de changer le monde par l’art, et l’art par l’art autochtone!
Where Our Dreams Are
The importance of dreams as the source of our imaginations is embodied in the modern contribution of artists whose artworks inspired the photographer’s current collection. Present in North America by the end of the 19th century, photography and budding cinema techniques complemented the age-old art of painting, acting as new visual evidence of the progress of colonization (armies, trains, settlements, anthropology and folklore for future museums). Including “Savages” in portraits, postcards and short films played a major part in consolidating the “still life” destiny of our First Peoples’ civilizations. This process of cultural genocide will encounter resilience, then resistance and present-day affirmation.
That’s why artworks such as Still Life, in which Martin Akwiranoron Loft “animates” objects, infusing them with their Iroquoian cultural meanings, provide keys to Indigenous understanding. The same could be said of the portraits in this exhibition.
Not only are they in line with Zacharie Tehariolin Vincent’s trend of critical affirmation in Indigenous art but they also show the artist’s passion for traditional photography and prints mixed in with digital technology. Loft infiltrates the city with his large frames and light projections depicting proud and important figures for their families and communities.
To me, these Iroquoian presences add porosity to the borders of cultural distance, in keeping with my motto of changing the world through art, and art through Indigenous art!